La Troïka ou gouverner par l’arrogance!
La Tunisie fait peur quand des extrémistes mettent le feu à un camion transportant de la bière et que le gouvernement décide de ne pas laisser des bars servir de l’alcool à la Goulette par crainte même le temps d’un soir, de suspendre les matchs de football à venir, de bloquer par un couvre-feu des touristes dans leurs hôtels dans les villes touristiques de Sousse et de Monastir, concernées par le couvre-feu décidé sur 7 gouvernorats et une délégation.
La Tunisie est dans la tourmente quand le journal «Le Figaro» publie un article dont le titre en dit long : «Violences contre une exposition controversée» et que «L’Express» parle de «couvre feu après des violences impliquant des salafistes». Les titres des médias du monde entier évoquent des postes de police brûlés, des sièges de partis politiques saccagés, des artistes agressés, des journalistes et des hommes politiques menacés de mort…
Ceux-ci reprennent aussi la décision du gouvernement de fermer «El Abdeliya» un espace culturel objet d’attaques en incriminant les artistes. Une décision que Karim Ben Smail, patron des éditions Cérès, qualifie «d’inimaginable» : « Le ministre de la Culture porte plainte contre les organisateurs du printemps des Arts! Un Ministre de la Culture qui attaque les gens de la Culture… Inimaginable! Il faut remonter aux nazis avec le ministère du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande, dirigé par Joseph Goebbels, pour retrouver ce type de rapport à la Culture ».
Des artistes que l’on livre en pâture à des extrémistes et que l’on désavoue publiquement est un antécédent grave. L’exposition peut-elle être responsable de toute cette vague de violences qui s’empare du pays et que le gouvernement a tenté de minimiser depuis des mois en préférant y voir des manipulations de l’opposition et un manque d’objectivité de la part des médias tunisiens?
Allons donc ! Et indépendamment des contenus en question durant l’exposition du «Art Fair», mesure-t-on vraiment l’impact du sacrifice de la créativité, du sens de l’initiative, de l’art, de la jeunesse, de la contestation ? Réalise-t-on ce que céder à la censure salafiste rétrograde signifie dans un pays en pleine effervescence mais aussi en pleine crise identitaire et en reconstruction?
Il va de soit que du côté des partis au pouvoir, le ton est tout autre. En gros et si l’on se réfère aux déclarations de Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahdha, sur la Télévision nationale tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes! Et ce n’est pas le président provisoire Moncef Marzouki qui le contredira! Le gouvernement paye un tribu normal en période révolutionnaire pour apprendre à gouverner. Voila tout !
Sauf que la facture s’alourdit et la situation devient de plus en plus préoccupante y compris pour les ministres au pouvoir qui se succèdent devant l’Assemblée constituante et de plus en plus souvent la larme à l’œil !
Et si la Troïka payait le prix de son arrogance à force de confondre légitimité des urnes et validité ? Réalise-t-elle seulement que son action n’est pas menacée uniquement par la contre révolution ? A force de s’autoriser toutes les largesses, y compris celle d’insulter une partie des Tunisiens et de leur intelligence, elle se terre dans une forme d’autisme qui la prend à la gorge et réduit son efficacité autant que ses champs d’action.
Le gouvernement en est réduit à hypothéquer une saison touristique dont il se targuait de voir redémarrer et ce malgré la grogne de la population qui ne voit pas l’ombre d’un touriste circuler. Alors que les hôtels sont pleins, des consignes pour éviter de quitter leur lieu de villégiature sont clairement données aux touristes. Toute la dynamique autour de l’industrie touristique s’en fait sentir. A force d’avoir voulu faire de cette saison touristique un élément clé dans une stratégie d’embellissement de la situation, le gouvernement a-t-il fini par apprendre enfin qu’on ne gouverne pas en faisant de la cosmétique ?
Etouffer les problèmes et poser un couvercle sur une marmite qui bout n’a jamais apporté de solution aux problèmes.
La situation est complexe. Elle est aussi mal gérée et finit par exploser entre les mains d’une troïka dont on ne mesure plus les distensions. Les 3 partis au pouvoir tirent la couverture à eux et se sont lancés dans une guerre préélectorale qui n’a aucun sens. Alors que le pays semble livré à lui-même, les plus initiés crient au retour de la dictature et accusent, comme Mohsen Marzouk leader au sein du mouvement « Nidda Tounes » de Beji Caid Essebsi, certains membres du gouvernement de « mettre de l’huile sur le feu ».
Dans un contexte marqué par des messages de l’ancien numéro deux d’Al-Qaïda et lieutenant d’Oussama Ben Laden, l’Egyptien Ayman Al-Dhawahri qui aurait donné l’ordre aux salafistes de se révolter contre le parti le plus influent au pouvoir, Ennahdha, on ne peut que se demander quelle sera l’issue de toute cette agitation infructueuse. Pourquoi les choses prennent-elles cette tournure en Tunisie ? Qui gagne au change ? Pourquoi maintenant ?
La mise en scène arrange-t-elle les intérêts d’Ennahdha qui selon certains indicateurs semble en perte de crédibilité et de popularité comme le déclarait Ahmed Nejib Chebbi, leader du parti Republican à une radio avant-hier ? Qui tente de laisser pourrir la situation pour se placer dans la peau du sauveur légitime comme le faisait Ben Ali ? Comment préparer le terrain pour mieux justifier la confiscation pur et simple des libertés ?
Depuis plus de 6 mois qui a laissé les wahabites, walafistes, jihadistes et uaâdistes se déployer ? Qui a lâché les prisonniers sans mesurer l’impact sécuritaire ? Qui se charge de réduire le terrain d’action des contrebandiers de toutes sortes qui sèment la terreur?
Qui a encouragé la montée régulière de cette force qui semble échapper à tout le monde désormais ?
Amel Djait
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