Erich Alauzen, spécialiste de la communication, doué d’une large expérience à l’international, s’installe à Tunis en 1991 et y fonde son cabinet “Stratégies Conseil Tunis” spécialisé dans les relations publiques et presse, gestion de crise et formation en communication comportementale.

Erich aime son pays d’adoption, souhaite “ être un maillon, même humblement, du succès et du développement gagnant de la Tunisie ”. Et c’est dans l’hôtellerie qu’il s’y active en animant des sessions de formation pour développer la notion de savoir-être dans le personnel hôtelier, du plus haut de l’échelle au plus bas. Interview.

1001Tunisie : On connaissait le savoir-vivre, le savoir-faire mais pas forcément le savoir-être qui semble être pour vous être la clé du succès en hôtellerie et restauration ?

Erich Alauzen : C’est en logeant dans des très beaux hôtels que j’ai remarqué que le savoir-faire était bien au rendez-vous mais pas forcément le savoir-être quand l’employé était mis face à une situation qu’il ne maîtrisait pas et à laquelle il ne s’adaptait pas ! Alors en 1988, j’ai commencé à mettre en place des modules de formations spécifiques au savoir être.

Faire prendre conscience au manager ou à son collaborateur combien la qualité de son comportement est importante pour le succès et l’image de son hôtel, et c’est pour moi une joie énorme surtout lorsque je peux mesurer les différences avant et après mes interventions…

1001 Tunisie: Le savoir-faire ne suffit donc plus ?

Erich Alauzen : Dans n’importe quel secteur professionnel, le manager se doit de s’assurer que ses collaborateurs cumulent trois savoirs : le savoir tout court qui sont les connaissances théoriques des produits, outils et services, le savoir-faire qui est l’ensemble des modes opératoires et de processus, et le savoir-être qui est l’attitude et le comportement des personnes face à des situations professionnelles diverses.
Les premiers éléments sont sanctionnés par des diplômes, le dernier par contre semble être considéré comme inné. Alors qu’être compétent, c’est avant tout savoir l’être !

1001 Tunisie: Vous pensez donc que le savoir-être professionnel prime sur le savoir-faire ?

Erich Alauzen : Absolument ! Je crois en la prééminence du savoir-être sur le savoir-faire qui reste cependant absolument obligatoire. On pardonne une faute de savoir-faire (viande trop cuite ou plat tiède dans un restaurant par exemple) par un excellent savoir-être (maître d’hôtel prévenant et sourire et assistance durant tout le repas), mais on pardonne moins une faute de savoir-être (serveur impoli ou service lent) même si le savoir-faire est excellent (bonne cuisine).
Cela est aussi valable pour les hôtels. Comme disait un client plein d’humour à un chef de réception d’un hôtel 5 étoiles dont les collaborateurs n’avaient pas été à la hauteur de ses attentes, “ Vos étoiles, Monsieur, elles sont encore dans le ciel, elles n’ont pas encore atterri dans votre hôtel.”
Dans l’hôtellerie, le savoir-être est encore plus important que dans d’autres filières puisque le contact client/employé est de plusieurs heures, voire plusieurs jours ….
C’est clair ! Le client a tendance à oublier tout le meilleur pour ne se rappeler que du petit détail qui l’a ennuyé. En plus, nous savons bien qu’aucun manager ne peut toujours se tenir derrière chaque employé pour surveiller ses actions et réactions. Donc, il doit faire confiance (déléguer), et pour moi la meilleure façon d’un excellent service, baigné de savoir-être et de savoir-faire, est d’abord de former l’employé et d’ensuite le motiver et le récompenser.

1001 Tunisie: Ne pourrions-nous pas penser que le savoir-être est tout simplement le savoir-vivre ou le guide des bonnes manières…

Erich Alauzen : Pas seulement ! Le savoir-être est tout simplement l’art de se comporter avec ses clients, toujours et partout, même en cas de turbulences passagères…
Pour cela, il faut de l’adaptabilité, la capacité à s’adapter à toutes les situations, de l’analyse pour comprendre et résoudre les problèmes, le sens de l’initiative pour prendre des décisions rapidement et anticiper les problèmes, l’organisation pour être efficace tout en trouvant le temps pour être au service du client et pour finir, l’écoute active et là, il s’agit d’écouter et non d’entendre.
Et bien sûr la politesse, la courtoisie, la discrétion, l’expression orale, la pratique du sourire, le souci du dépassement des attentes du client, une excellente tenue corporelle et vestimentaire. C’est tout cela le savoir-être !

1001 Tunisie: Le savoir-être dans un hôtel ou un restaurant, est-il la responsabilité du manager ou de l’employé ?

Erich Alauzen : Du manager clairement ! Le savoir-être doit être inculqué par des séances de formation, des jeux de rôle et des débriefs positifs en cas d’erreurs commises.
La première condition du savoir-être est le bien-être. Reconnus et encouragés, les collaborateurs gardent leur bonne humeur et leur énergie à se soucier du bien-être de leurs clients. La seconde est leur champ d’action : l’employé doit pouvoir réagir aux situations et aux réclamations et prendre les décisions appropriées sans avoir à prononcer l’horrible phrase “ je dois voir avec mon supérieur ” souvent introuvable.

1001 Tunisie: Constatez-vous que dans l’hôtellerie tunisienne, le savoir être commence à prendre le dessus sur le savoir et le savoir-faire ?

Erich Alauzen : Pour être honnête, pas vraiment, car les managers ne donnent pas suffisamment d’importance au savoir-être en privilégiant uniquement le savoir-faire… Un meilleur savoir-être existe sans doute dans les hôtels appartenant à des chaînes internationales où la formation du personnel est régulière, mais dans des structures familiales ou appartenant à des groupes tunisiens, malheureusement, de nombreux progrès doivent être encore faits.
Idem pour les restaurants où la situation est encore pire, y compris dans des établissements de renom… Lorsque les écoles hôtelières, privées ou publiques, commenceront à insérer dans leurs programmes des cours de savoir-être, et sensibiliser nos jeunes étudiants à son importance, je pense que les choses commenceront à changer…