djebba et ghar el melh

Les systèmes culturaux en Ramli dans les lagunes de Ghar El Melh et les jardins suspendus de Djebba El Olia ont été reconnus comme « Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) ». C’est une appellation gérée par la FAO. L’inscription est plus que la bienvenue, reste à savoir quelles opportunités pourraient elles apporter à la Tunisie? Y a t-il lieu d’en faire un circuit? La Tunisie possède aujourd’hui 3 sites inscrits SIPAM. Inscrire le patrimoine tunisien est essentiel mais il est urgent à réfléchir à l’exploiter, valoriser, “brander”, en tirer de la valeur ajoutée… Cela serait tout aussi essentiel. Par Amel DJAIT

Les deux sites reconnus comme Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial, reflètent des liens étroits entre les champs cultivés, l’écosystème naturel et la faune et la flore locale. Tout en faisant la promotion du savoir traditionnel et de la protection de la biodiversité. Selon la FAO, « leur reconnaissance en tant que SIPAM encouragera les communautés locales à continuer à en prendre soin; et à protéger leur patrimoine pour les générations futures ».

Les pratiques Ramli de Ghar El Melh

Les Ramli, dont le mot signifie an arable « sur le sable », sont des pratiques agricoles qui consistent à cultiver sur des supports sableux. Uniques, non seulement en Tunisie mais à l’échelle mondiale, ces jardins ont été créés au 17ème siècle par les Andalous. L’ingéniosité de ce système réside dans une solution “innovante pour l’époque” pour pallier au manque d’eau et de terres cultivables. Ces pratiques sont basées sur un système d’irrigation passif dans lequel les racines des plantes se nourrissent grâce à l’eau de pluie stockée; qui flotte à la surface de la mer suite aux ondulations des vagues.

Ce savoir-faire permet aux agriculteurs de maintenir de larges parcelles de lagunes. Une quantité précise de sable et de matière organique fait en sorte que les cultures atteignent une taille adéquate. Et qu’ainsi les racines soient irriguées grâce à de l’eau fraîche, par opposition à l’eau salée et à ses effets négatifs. Les haies d’arbres fruitiers et de buissons sur la barrière du lagon protègent les parcelles cultivées du vent et des embruns. Elles favorisent le ralentissement de l’évaporation et améliorent le sable. Alors, un système doté de tellement d’atouts rend possible la culture agricole tout au long de l’année. Sans avoir besoin de recourir à un approvisionnement en eau artificiel; et ce, même lors des périodes de sécheresse.

Aujourd’hui, la pêche et l’agriculture sont les principales activités de subsistance dans la zone. Les fermes de Ghar El Melh sont relativement petites (81% d’entre elles font moins de 5 hectares). Elles produisent principalement des pommes de terre, des haricots et des oignons « sur ramli ».

Les jardins suspendus de Djebba

Par ailleurs, nichés sur les hauteurs du Mont el Gorrâa, les jardins de Djebba el Olia forment un système agro-forestier unique. A 600 mètres d’altitude, les agriculteurs ont réussi à façonner un paysage montagneux à leur avantage en intégrant l’agriculture sur les terrasses issues de formations géologiques naturelles ou en les construisant en pierres sèches.

Renforcés par un système d’irrigation, les jardins suspendus sont des exemples d’agro-foresterie qui satisfont les besoins alimentaires des communautés tout au long de l’année. Grâce à la préservation des forêts en altitude et à la multitude d’espèces dans la strate arborescente des jardins, Djebba El Olia bénéficie d’un microclimat particulier.

Basée sur les pratiques associant l’agro-foresterie et l’agro-écologie, la culture de figuier est le pilier d’un système résilient et poly-culturel favorisé par une production animale assez importante. Mis à part les figues, un grand nombre de légumes, de légumineuses et d’espèces fruitières sont produites dans les jardins; y compris de la tomate, du poivre, de la courge, des fèves, des oignons, du haricot ou encore de la pommes de terre.

Figues de Djebba de Tunisie

L’élevage de bétail n’est pas en reste. Ce dernier représente une grande partie de la biodiversité du site. La race locale de moutons appelée la « noire de Thibar » s’adapte facilement aux terrains accidentés. Une race bovine appelée la « brune de l’Atlas » est aussi tout aussi connue pour sa robustesse.

Agro-foresterie et agro-écologie sur un même territoire

Si les jardins bénéficient aujourd’hui d’une aussi grande réputation, c’est aussi car les agriculteurs y produisent les fameuses figues https://1001tunisie.com/magazine-fr/recettes-fr/figues-de-djebba-aoc-la-rolls-des-fruits-de-lete-sur-les-marches/. En effet, les figues de Djebba ont leur appellation AOC. Les fruits frais, secs et transformés (les confitures) sont très recherchés au niveau local et international. Ils représentent d’ailleurs une source importante de revenus.

Officiellement soumises par le gouvernement tunisien en mars 2019, les demandes SIPAM ont été soutenues par le PNUD et la FAO en Tunisie. A ce jour, 61 sites dans 22 pays sont désignés en tant que tel par la FAO : http://www.fao.org/giahs/giahsaroundtheworld/designated-sites/fr/. Actuellement, 11 sites SIPAM ont été reconnus dans 6 pays différents de la région (1 site en Algérie, 3 sites en République Islamique d’Iran, 2 sites au Maroc, 3 sites en Tunisie, 1 site aux Emirats Arabes Unis, et et 1 site en Égypte.

Crédit photo Ghar El Melh en couverture : salah jabeur