Telle la caverne d’Ali Baba, les épiceries fines scintillent de milles feux gourmands et regorgent de trésors qui titillent nos papilles et aguichent délicieusement nos pupilles. Généralement situées à la Marsa, à El Menzeh ou encore au kram, elles proposent toutes des produits de qualité, certains du terroir, d’autres importés, mais se distinguent chacune par un style, une empreinte qui ne laissent pas les gourmets indifférents.

Si la gourmandise était un Monopoly géant, les épiceries fines occuperaient la rue de la Paix parce qu’elles incarnent le luxe et le raffinement mais aussi à cause des prix qui flambent parfois pour certains produits. Charcuterie, fromages, chocolat, produits du terroir, délices de la mer, friandises… Un méli-mélo de couleurs et de saveurs qui nous emportent au loin et aiguisent notre appétit, loin du brouhaha de la ville et des tracas de la vie, pour un moment de pur bonheur.

Le bonheur, c’est ce qu’on ressent justement en rencontrant Omar Lasram, Monsieur joie de vivre et bonne humeur. En lançant son projet « Cacciola » en plein cœur du Kram, il ne savait pas si c’était une bonne idée. Mais qui ne tente rien n’a rien, dit-on. Fort de cette conviction, le jeune homme a investi une boutique nichée en plein cœur du quartier principal du Kram, là où il a passé ses plus belles années de jeunesse et y a déballé ses cartons emplis de saveurs d’antan et de recettes d’époque.

Comme d’autres, Omar aurait pu jouer la carte de la facilité et s’implanter dans un quartier chic, où ses produits se seraient vendus comme des petits pains. Mais le jeune entrepreneur est un passionné et autour de son épicerie fine, il a voulu bâtir toute une histoire au parfum de la gourmandise mais aussi de l’amitié, empreinte du souvenir de la mythique famille Cacciola qui avait habité au Kram dans les années 40 et qui y avait ouvert une pâtisserie fameuse pour ses friandises, et notamment l’incontournable mille-feuille.

Raviver des souvenirs

En hommage à cette famille qui fait partie intégrante de l’Histoire du Kram et dans l’ambition de perpétuer la tradition d’un lieu de gourmandise profondément ancré dans ses racines, Omar Lasram ne propose pratiquement dans sa boutique que des produits 100% tunisiens. Le miel exposé provient par exemple de « Beni M’tir », l’huile d’olive de « Naâssen » ou encore de « Zaghouan » et les dattes de « Guebilli ». Parmi ses produits phares, le « rob », sirop de dattes, qui peut facilement remplacer le sirop d’érable pour napper de délicieux pancakes. Quant à la boutargue proposée à la vente dans sa boutique, Omar est fier d’affirmer qu’elle est à 100% tunisienne, préparée selon une vieille recette juive, héritée de Victor Cohen qui vivait à Sfax.

Mais ce n’est pas tout ! Afin de varier les plaisirs et perpétuer certaines traditions culinaires tunisoises, Omar organise chaque dimanche une « Leblébi party », selon une recette nabeulienne d’époque qui diffère de la recette connue de tous, tant sur le plan des ingrédients que sur le mode de cuisson. Samedi enfin, il est possible de savourer des « briks danouni » ou encore de la « madmouja », préparés dans la pure tradition tunisoise, pour le plus grand plaisir des gourmets.

Comme l’a confirmé Omar, la boutargue figure parmi le Top 3 des produits les plus prisés par les clients des épiceries fines, et ce n’est pas Marion, co-gérante de « La Phénicienne » qui le contredira. Appelé également poutargue ou encore « adham hout » selon le répertoire lexical judéo-arabe, ce délice est une poche de gros œuf de mulet ou de thon rouge, salée et séchée et dont la préparation nécessite savoir-faire et surtout patience. Mets raffiné d’exception, il est prisé aux quatre coins du monde et notamment au Japon, appelé karasumi. Son kilo diffère un peu selon les saisons et peut atteindre les 300 DT.

Presque toutes les épiceries fines en Tunisie en proposent, préparée selon des recettes différentes et donnant au final un goût d’exception pour chaque boutargue.

Sa majesté la boutargue

Outre ce produit très recherché, « La Phénicienne » propose également du foie gras fait maison, du magret de canard séché, des cuisses de canard confites, de la ventrèche à l’huile, de l’espadon fumé ou encore des sardines marinées. Autant de délices préparés avec soin et passion selon Marion qui ajoute que ses clients raffolent généralement de toutes les déclinaisons des produits du terroir et notamment les poivrons marinés, les tomates séchées et autres variétés d’olives. Des délices qu’ils continuent de s’offrir malgré la crise qui s’est faite ressentir ces dernières années et plus précisément depuis la chute vertigineuse du dinar face à l’euro. Mais quand on aime, on ne compte pas. Telle semble être la devise des clients des épiceries fines.

A la question de savoir si les visiteurs sont en majorité des Tunisiens ou des expatriés, Marion affirme qu’ils sont à parfaite égalité et que peu importe la nationalité, la gourmandise l’emporte toujours. Contrairement aux idées reçues qui voudraient que les épiceries fines ne soient fréquentées qu’en période de fêtes, nos différents interlocuteurs nous ont affirmé que leurs ventes sont stables tout au long de l’année. Hiver comme été, à l’approche des fêtes ou en cours d’année, les clients fidèles ne se refusent aucun plaisir gourmand et se ravitaillent à une fréquence régulière notamment en produits du terroir qu’ils n’ont pas l’occasion de trouver dans les grandes surfaces et encore moins dans les commerces ordinaires.

Conscients de cette niche d’or, certains magasins de produits alimentaires ou encore des pâtisseries de renom ont d’ailleurs introduit certains de ces produits et les mettent bien en évidence dans leurs rayons. Crise ou pas, période des fêtes ou pas, les produits d’exception, notamment les produits bio, séduisent donc de plus en plus la clientèle tunisoise.

RYM BEN AROUS

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