creative tunisia

Le “Renforcement des chaînes de valeurs dans les domaines de l’artisanat et du design” est la composante 3 du programme “Tounes Wejhetouna”( *). Porté par l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI), le programme s’appelle CREATIVE TUNISIA. Le point sur le programme. Par Amel DJAIT

Faire évoluer l’artisanat vers un secteur économique à plus forte valeur ajoutée et développer des avantages compétitifs dans divers corps de métiers à travers le pays est toute l’ambition de ce projet. Mettre en avant plusieurs chaînes de valeur, au bénéfice d’entreprises artisanales, d’artisans et de designers, s’adresse aujourd’hui à 7 chaînes de valeurs, qui ont été sélectionnées sur 28 candidatures. Il s’agit des clusters de la décoration d’extérieur de Moknine, du tapis klim du Kef, des fibres végétales de Gabès, de la laine et de l’halfa de Kasserine, du tissage traditionnel de Monastir, de la Mode à Tunis et du cuivre de Kairouan.

Cluster du klim du KeF

Le programme a commencé par une cartographie des acteurs, des formations en développement de clusters et des entretiens avec des acheteurs nationaux et internationaux pour comprendre les attentes des marchés. Entre diagnostics, plans d’actions et calendriers où en est le projet? Pourquoi le Clustering? Quels résultats espérer? Quels défis y a t-il à relever?

A l’heure où les ressources sont plus précieuses que jamais, il convient de se poser des questions sur un programme dont le budget total est de 9 millions d’euros et qui va s’étaler de 2020à 2025.

Pour comprendre la genèse, il convient de remonter à 2017 et le programme Cluster des Arts de la Table de Nabeul. L’ONUDI pilote l’approche du clustering en tant que modèle de développement économique et régional en Tunisie. La chaine de valeur est le dynamo qui travaille sur le changement de mentalités et le PPP. Comment le secteur privé peut-il assumer sa part dans le développement de sa propre filière? Comment peut-il prendre du terrain et se libérer du sectoriel? Comment faire évoluer la gouvernance, la rentabilité, l’efficience?

Le bilan du “Cluster des Arts de la Table de Nabeul” comme promesse !

Le Cluster des Arts de la Table de Nabeul” est un succès. Voté meilleur projet en Méditerranée, sur un ensemble de 8 pays qui participaient au programme, celui -ci permet une montée en gamme, un repositionnement sur le marché et la mise en place d’une gouvernance efficace. Le Cluster est désormais autonome, engagé dans une rentabilité et modernisation des procédures de promotion, de production, de gestion…

Une meilleure compréhension des problèmes de l’artisanat en Tunisie se confirme avec ce projet pour l’ONUDI à qui s’ouvre désormais la voie de Créative Tunisia auprès de l’Union Européenne. https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/sites/near/files/c_2018_8190_tunisia_aap_2018_part_2_merged_fr.pdf

Mais l’hirondelle fait -elle le printemps? Si ce projet ( cluster arts de la table de Nabeul) a tiré son épingle du jeu, quelles sont garanties pour le succès des clusters choisis par Créative Tunisia sachant que le principal écueil de de genre de programmes est leur manque de durabilité. Souvent à l’épuisement de l’encadrement et des ressources financières, les entreprises soutenues périclitent, voire disparaissent.

Talel Sahmim est conseiller technique de Créative Tunisia. Il répond à la question: “Les artisans représentent 80% des opérateurs du secteur de l’artisanat et souvent travaillent dans l’informel sans pouvoir d’achats, sans force financière, sans capacité d’approvisionnement en matières premières et sans accès aux marchés. Le reste est composé d’entreprises artisanales qui rapidement saturent par manque de moyens, d’encadrements et de méthodes managériales. A ce jour, nous n’arrivons pas à hisser nos entreprises et c’est bien dommage! Il fût un temps où l’Etat, à travers l’Office National de l’Artisanat ( ONAT), était un catalyseur. Quand celui-ci a périclité, tout le secteur a plongé vers les abimes. Le quelques exceptions, liées au tourisme, ont résisté tant bien que mal et ont coulé avec les récentes crises . Regardez, le tapis. Nous exportions plus 600 milles m2 et aujourd’hui, nous n’atteignons pas les 20 milles m2″. Il faut soutenir les entreprises et aider à créer des vis à vis crédibles, audacieux et volontaires. L’artisanat a un potentiel énorme. Le marché international est en demande mais nous ne proposons plus grand chose! Nous avons des difficultés à produire et a créer des collections? Nous peinons à envoyer des prototypes ou même à nous positionner sur la toile…L’autre urgence est le renforcement des structures publiques. L’Etat est nécessaire à la création des équilibres. C’est à lui que revient majoritairement la responsabilité de la recherche et développement. la fédération Nationale de L’Artisanat a aussi un rôle primordial à assumer… “

Talel Sahmim, conseiller technique de Créative Tunisia

Où va la masse des artisans? Y a t-il une créativité de l’artisanat du pays?

C’est précisément là qu’intervient Créative Tunisia. Créer des quick-wins, mobiliser les acteurs, réconcilier la recherche et le développement (écoles et instituts de design), soutenir les entreprises et les aider à innover, exporter et grandir. L’artisanat a besoin d’avoir ses propres poids lourds pour porter le brand “Made In Tunisia” . Il faut préciser que jusque là, les programmes de la coopération internationale, en phase de post révolution, étaient orientés uniquement ou presque vers les zones sinistrées et défavorisées et vers les populations précaires.

Cluster de l’Alfa de Kasserine

Pourtant consommer tunisien n’a jamais fait autant rêver que depuis le 14 janvier 2011. La société civile tunisienne ( associations, collectifs, ….) a soutenue l’émergence de nouvelles marques et designers sur la place. Les évènements dédiés à l’artisanat se comptent par centaines tout le long de l’année. Toutes les occasions sont bonnes pour communiquer sur le dynamisme de l’artisanat tunisien qui constitue un vivier d’emplois et représente un potentiel en deçà de ses capacités. Ceci dit, créativités et innovations sont devenues des notions galvaudées tant le copier/coller fait des ravages, la qualité a baissé,… Quid de la création de valeur dans le secteur? Quid d’un produit de design tunisien de facture internationale? Quid de l’export?

Quand les fonds de la coopération internationale payent des fiches de présence !

Et c’est précisément là où les choses dérapent, souvent….Le manque de coordination entre Public et Privé, l’absence de vision et de maturité dans les rapports et l’absence soutien à un secteur défaillant, laissent la place à la prolifération d’intervenants, pas tous peu scrupuleux ni incompétents, mais souvent maladroits. Ces derniers parviennent à lever des financements auprès des bailleurs de fonds et se retrouvent dans l’incapacité de les appliquer. Dans l’artisanat, ils en arrivent à acheter aux formations, la présence de certaines populations cibles dans certaines régions. Cela n’est pas sans conséquences. Pareilles supercheries en arrivent à détruire les efforts et à miner les mentalités. Elles bombarde la confiance entre et auprès des vrais acteurs.

Creative Tunisia se positionne au faux par rapport à tout cela. Renflouer la chaine de valeur, soutenir des acteurs et accompagner à en positionner d’autres, là où il y en a pas, est tout le défi du programme.

A ce jour, plus de 250 acteurs ( des 7 clusters) font l’objet des diverses formations. Des actions groupées et individuelles de renforcement des capacités des membres des clusters, de développement de marchés national et internationaux, de modernisation des équipements, ainsi que le développement de nouvelles niches à travers la diversification des produits sont en train d’être mises ainsi en place tout au long de la période du projet. Cette opportunité privilégiée permet également de soutenir l’économie de la région dans la création d’emplois décents et durables, surtout pour les femmes et les jeunes.

Une olympiade pour le klim du kef, Halfacademy,…

Concrètement, le programme a déjà organisé la 1ère ÉDITION DE L’OLYMPIADE DU KLIM KEFFOIS, LA HALFACADEMY: POUR L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’ARTISANS! LA MONTÉE EN GAMME DES POTS DE JARDIN DE MOKNINE… D’autre part, les formations se multiplient au niveau du design, des matières premières,…Une des actions phare du projet est LA MODE AUX COULEURS DE L’AFRIQUE EN 2020: 5 CRÉATEURS DE MODE SÉLECTIONNÉS PAR CREATIVE TUNISIA POUR EXPOSER AU MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS À PARIS!. Pour en savoir plus sur l’ensemble des cations, consulter https://creativetunisia.tn/

Le projet Creative Tunisia est en bonne voie de progression. Affichant des ambitions raisonnées, celui-ci avance à pas assurés en effectuant un travail de fond qui va à l’essentiel; Renforcer l’édifice, mettre à niveau les acteurs, tente de créer de la cohésion pour une appropriation sereine et efficiente. C’est tout le bien qu’on lui souhaite! C’est tout le besoin d’un secteur dont les marges de progression, d’export et d’employabilités sont énormes.

Le projet alterne donc les actions basiques et nécessaires comme le renforcement de compétences et affiche des opérations de marketing plus pointues et audacieuses. Là où il frappe aussi fort, c’est aussi niveau de l’accès marché. Des commandes de produits artisanaux tunisiens à de grandes centrales d’achat sont en cours dont Monoprix et CoinCasa.

S’il est indéniable qu’il est important que les produits artisanaux tunisiens accèdent aux marches internationaux, il est vital qu’il s’y développent de manière efficace et durable. Car là aussi, de nombreux produits ont fait des incursions à l’internationale mais se sont rapidement essoufflés. Espérons que cette fois-ci sera l’amorce d’un vrai changement!

(*) Tounes Wejhatouna : vise à soutenir la diversification du tourisme par la création de synergies entre les secteurs des services touristiques, de l’artisanat, des produits locaux et du patrimoine culturel matériel.