L’Algérie a rappelé son émissaire en France « pour consultations » après l’intervention de Paris pour aider Amira Bouraoui, militante et journaliste recherchée par Alger, à éviter l’expulsion et la détention.
Bouraoui avait été arrêtée vendredi en Tunisie et risquait d’être expulsée vers l’Algérie, mais elle a finalement pu embarquer lundi soir sur un vol vers la France.
L’affaire menace les relations récemment rétablies entre l’Algérie et son ancien colonisateur.
Dans un communiqué officiel, le président algérien Abdelmadjid Tebboune « a fermement protesté contre l’exfiltration clandestine et illégale d’un citoyen algérien » via la Tunisie vers la France.
Il a indiqué que Tebboune avait ordonné le rappel de l’ambassadeur Said Moussi de Paris « avec effet immédiat ».
Passeport français
Médecin de formation, Bouraoui, 46 ans, a été condamné en mai 2021 en Algérie à deux ans de prison pour « outrage à l’islam » et pour outrage au président.
Elle n’a cependant pas été détenue dans l’attente d’un appel.
Bouraoui s’est ensuite vu interdire de quitter l’Algérie et a été arrêtée en Tunisie alors qu’elle tentait d’embarquer sur un vol vers la France, en utilisant son passeport français.
Un juge l’a libérée lundi et elle a ensuite été emmenée par la police avant d’obtenir la protection des diplomates français à Tunis.
« Très antipathique »
Quotidien français Le Monde a rapporté avoir été accueillie à l’ambassade de France à Tunis avant de recevoir « l’autorisation du président Kais Saied de revenir en France ».
Peu avant le rappel de l’ambassadeur Moussi mercredi, le ministère algérien des Affaires étrangères a indiqué avoir adressé une note officielle à l’ambassade de France exprimant « la ferme condamnation par l’Algérie de la violation de la souveraineté nationale par les personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité de l’Etat français ».
L’Algérie affirme que l’incident a causé « de grands dommages » aux relations franco-algériennes.
Mercredi, le journal gouvernemental francophone El Moudjahid dans un éditorial a dénoncé ce qu’il a qualifié d’acte « très hostile » envers l’Algérie et la Tunisie.
L’article disait « Cette politique française – d’un pas en avant et de 10 pas en arrière – jette de l’eau froide sur les relations bilatérales à quelques semaines de la visite d’Etat que le président Tebboune doit effectuer en France ».
Tebboune doit se rendre à Paris en mai, après un appel téléphonique en janvier avec le président français Emmanuel Macron.
Les liens entre les deux pays étaient glacials depuis l’automne 2021, mais se sont réchauffés lors de la visite de Macron à Alger en août dernier.
En grande pompe, les deux présidents ont signé une déclaration sur la relance de la coopération bilatérale.
Journaliste arrêté
Bouraoui s’est fait connaître en 2014 avec son implication dans un mouvement qui a fait campagne contre un quatrième mandat pour feu le président Abdelaziz Bouteflika.
Elle avait tenté à plusieurs reprises ces derniers mois de quitter l’Algérie pour rendre visite à son fils, qui vit en France.
Bouraoui avait déjà purgé une courte peine de prison en Algérie avant d’être libéré provisoirement en juillet 2020.
Mercredi sur Facebook, elle a remercié tous ceux qui ont fait en sorte de ne pas se retrouver « de nouveau derrière les barreaux ».
Elle a écrit qu’elle n’allait pas s’exiler en France et qu’elle serait « de retour très bientôt » en Algérie.
🔈 Algérie 🇩🇿 Le journaliste #MustaphaBenjamaarédacteur en chef du journal Le Provincial, a été arrêté ce mercredi dans les locaux du journal à Annaba.
RSF dénonce ces méthodes répétées de répression contre les journalistes et demande sa libération immédiate. pic.twitter.com/b1G6x4q0aX— RSF (@RSF_inter) 8 février 2023
Cela s’est produit alors que les autorités algériennes ont arrêté le rédacteur en chef du site d’informations locales Le Provincialdéclenchant les protestations des organes de surveillance des médias Reporters sans frontières et du Comité pour la protection des journalistes.
Des collègues de Mustapha Bendjama ont déclaré qu’il avait été détenu en lien avec le départ de Bouraoui.