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Arboun2 – Quand on voit Haythem Hadhiri en costume de brocart chanter un air d’opéra, on est loin de se douter qu’il peut être ce même artiste revendiquant un ” Arboun ” ! Petit tour dans les coulisses d’un spectacle qui promet. Par Amel DJAIT

Mais d’abord que veut dire Arboun ? (Un acompte qu’on donne dans notre culture pour garantir un service ou une prestation). A cette question, l’artiste répond avec le sourire : ” Oui, normalement c’est ca ! Ce titre dans notre mémoire collective est un peu péjoratif. Pour nous, c’est un gage, un avant-gout sur une promesse; fournir à notre public un spectacle complet dans un court terme et une mise en bouche sur les diverses propositions de jeunes et moins jeunes artistes qui osent et s’engagent dans l’art en général et la musique en particulier en Tunisie “.

Né le 30 avril 1986, Haythem Hadhiri a commencé la musique à l’âge de cinq ans au conservatoire national puis dans celui d’Abdelkrim Shabou. A seize ans, il obtient sa carte professionnelle et à dix sept, son diplôme de musique arabe. Dans la même année, il crée son premier spectacle ” Meriam wal Jidar ” sur un livret du Dr Noha Khalaf (ambassadeur de l’Etat de Palestine à Malte et secrétaire de feu Yasser Arafat).

Sa route d’après le baccalauréat, le mène à l’Institut supérieur de musique de Tunis où il entame une filiale de musique orientale puis des arts lyriques et scéniques (théâtre chant et danse). L’opéra le saisit en plus du chant oriental et soufi qu’il développe.

Arboun 2: De l’opéra, du chant soufi et de l’oriental

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Son parcours le mène d’orchestres symphoniques, aux principaux festivals du pays et le porte vers des rôles dans des comédies musicales, des pièces théâtrales et des films. Et comme rien n’arrive par hasard, la rencontre avec Fadhel Jaziri, en 2010 va tracer d’autres horizons particuliers et oh combien porteurs ! Les expériences, prestations et performances s’appellent alors ” Hadhra “, ” Saheb La7mar “, ” Khoussouf “, ” Guirra “…

Arboun 1. Puis Arboun2.

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Haythem Hadhiri explique la genèse ” Arboun ” : ” Fadhel Jaziri est le parrain (promoteur-producteur-directeur artistique et metteur en scène du projet) Dans Arboun1, nous avons évolué avec un répertoire tunisien, interprétant et ré-interprétant de la musique tunisienne. Mon idée de départ repose sur un besoin de donner une autre sonorité à ce patrimoine. Je voulais un autre arrangement tout en étant convaincu que pour moderniser ou réécrire un titre, il faut faire simple, insuffler un quelque chose de vrai pour parvenir à toucher sans dénaturer. L’inspiration est au fond de la phrase patrimoniale. Elle est dans son respect. Si par exemple, c’est du ” mezmoum “, cela le restera ! On y apportera un complément ou on l’ épurera sans être dans la performance ! Les excès, la puissance, le ” tarab “, il n y en aura pas dans ce spectacle. Ici, la voix est un instrument ! Arboun2 c’est du malouf. Un malouf particulier qui nous inspire ! Un malouf qui nous ressemble…”

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Pensé comme un tissage, ” Arboun2 ” est effectivement un assemblage harmonieux, différent. Il est porté par une équipe de musiciens qui ont entre 22 et 28 ans et qui s’amusent. Ils s’amusent car ils sont à l’aise et heureux de jouer, dialoguer, se défier et prendre plaisir ! Ils s’amusent car ils sont confiants dans leurs techniques et talents.

Des jeunes musiciens diplômés et talentueux

La troupe se compose d’Ilyes Blagui au piano, Taieb Farhat à la basse, Mokhles et Moaetaz Aouinti aux percussions, Houyem Ghattas au violon qui intègre la troupe d’Arboun2 (suite à la disparition de notre cher regretté Mehiar Soussi), Mohamed Amine Halouani au chant et guitare et puis Montassar Bazzez et Mohamed Jouini au chœur.

Mais ” Arboun2 ” est aussi du théâtre ! Il y a des dialogues, des jeunes artistes qui répondent aux SMS et qui arrivent en retard. Ils sont formés, sous-payés et vivent une frustration entre leurs capacités techniques et ambitions et le fait d’être obligé de travailler pour gagner leurs vies ! Si un chanteur d’opéra ne fait pas du ” mezoued ” ou du ” rboukh “, il ne parvient pas à gagner sa vie par les temps qui courent… Le spectacle raconte une répétition, 2 heures avant son début… 2 heures durant lesquelles il y a des conflits, des chemises ouvertes et des clopes qui fument… 2 heures de vie avec ses joies et misères humaines.

Convertir le patrimoine musical

” Arboun2 ” entame son chemin propre. Au programme, il y a la production d’un album et de quelques clips et la création d’une troupe qui porte le nom du spectacle.

Bien au delà de cela, la proposition revisite un patrimoine musical vivant qui se renouvelle avec une jeune et nouvelle génération de musiciens. Ces derniers tentent de peindre des couleurs adaptées à leurs vies en utilisant des instruments occidentaux aux sonorités modernes. Un spectacle en gestation où déconstruire savamment et patiemment est capital.

Bâtir et convertir l’héritage est aujourd’hui le plus passionnant des défis… Et la musique n y échappe pas ! Surtout pas !

Crédit photos : Pierre Gassin