Celui-ci  est donc indissociable du site de Chemtou dont il a recueillit l’essentiel des trouvailles en objets et accessoires durant une campagne de fouilles tuniso-allemande qui s’est étendue sur une longue période à cheval sur la fin des années 80 et le début des années 90.

Chemtou est l’antique « Simitthus », une cité de fondation berbère comme son appellation l’indique et qui, par la suite, a été tour à tour sous occupation punique et romaine, les trois civilisations y ayant laissé des vestiges de première importance dans notre histoire. Berbère, c’est-à-dire numide. Et le fait est que Chemtou est le principal site à conserver des traces aussi nombreuses et aussi « parlantes » de cette époque-là. Au point de pourvoir le musée en une grande aile qui nous instruit de manière très intelligente et aussi complète que possible sur cette civilisation numide que les livres d’histoire effleurent tout juste lorsqu’ils s’y arrêtent et que les discours occultent quand ils n’en brossent pas un tableau fort peu flatteur,  comme si c’ était une ère honteuse dans notre histoire. Civilisation numide, donc, mais aussi l’exploitation dans l’Antiquité du gisement du fameux marbre jaune que les Romains appelaient justement « marmor numidicum » constituent les deux principaux thèmes de cette exposition. Ce marbre était fort recherché dans l’Antiquité romaine. Il était la propriété personnelle de l’empereur et servait à parer ses résidences à travers tout l’empire et, à Rome, une colonne géante taillée dans du giallo antico, comme on l’appelle dans le jargon moderne, trônait dans une place pour célébrer la « Patrie romaine.
L’exposition commence par une présentation de la configuration géologique de la région, ce qui explique, entre autres, la présence du marbre jaune. L’occasion pour expliquer que les diverses variétés de roche qu’on trouve dans la région résultent de la pression exercée par les plissements du terrain suite aux mouvements tectoniques qui ont conduit à faire glisser la plaque Afrique sur le magma terrestre, la faisant  « voyager » de la position qu’occupe aujourd’hui le continent nord américain (la Tunisie se trouvait alors, il y a plus de 600 millions d’années, à l’emplacement actuel de l’Etat de New York) à celle que notre continent occupe de nos jours. Une introduction captivante car originale, limpide et concrète.
Dans le prolongement de ce prélude : le pavillon numide. C’est la grande révélation de ce musée. Une civilisation qui surgit dans toutes ses dimensions : historique, économique, sociologique, religieuse et culturelle. Nulle part, en si peu d’espace (quelques dizaines de mètres carrés) la présentation d’une civilisation n’a été aussi globale que limpide et attrayante. Là, on fait connaissance avec la localisation des divers royaumes berbères, leurs souverains, leur organisation sociale et politique ; leur mode de vie (habitat, alimentation, etc.) comparé à celui qui prévalait à Carthage à la même époque (c’est-à-dire durant et avant le deuxième siècle avant JC), leurs divinités, leur écriture, etc., etc. Tout cela aurait pu être quelque peu ardu, voire ennuyeux. Pas le moins du monde, grâce à une muséographie intelligente, inventive ; à une sémiologie facilement assimilable à base de dessins, photos, reconstitutions en miniature et, bien entendu, objets trouvés sur place. Une délectation et bien des surprises.

La pierre qui parle
La transition vers le deuxième thème se fait via un « sas », une reconstitution en plein air autour d’un « amphithéâtre » de la façade du sanctuaire numide qui avait été érigé au sommet d’une colline au milieu du site, qui était de style égyptianisant, et dont de nombreux éléments architectoniques et décoratifs ont été récupérés pour retrouver leur emplacement dans la reconstitution de cette façade. Ces éléments sont en marbre jaune de Chemtou. Une excellente transition, donc, pour le pavillon consacré au marbre : la carrière, son exploitation durant l’Antiquité romaine, son traitement, son transport, son exportation, les divers usages de ce marbre, etc. Tout cela grâce aux mêmes procédés muséographiques. Un véritable régal.
La dernière partie du circuit est réservée aux pièces exhumées au cours de différentes campagnes de fouilles effectuées sur le site et qui, majoritairement, remontent à la période romaine. Là encore, les promoteurs de cette réalisation ont cherché à faire dans l’originalité. En effet, quoi de plus morne qu’une succession de pierres tombales ? Pourtant, ici aussi les pierres parlent et transmettent des messages d’outre tombe qui nous parlent de gens comme nous, hommes et femmes qui vécurent plus ou moins longtemps –il y a parmi eux un centenaire et une jeune fille fauchée à la fleur de l’âge- qui nous disent leur peine, mais aussi le bonheur que leur avait procuré leur travail ou leur vie conjugale. Tout cela, nous le savons grâce aux traductions des textes latins des épitaphes et qui rendent ces pierres vivantes.

Jouxtant le musée et aménagé par-dessus des vestiges antiques : les installation d’une usine de traitement du marbre remontant à la fin du XIX° siècle et que les archéologue ont tenu à conserver pour en faire le premier site tunisien de ce qu’on appelle aujourd’hui l’archéologie industrielle. Rappelons que Chemtou se situe à environ 25 km au nord-ouest de la ville de Jendouba, par une bretelle sur 16 km qui part de la route menant à Tabarka pour rejoindre Ghardimaou par le nord-ouest.

Tahar Ayachi

Détails:

Adresse : Aïn Ksir 8100 Jendouba
Tel : (+216) 78 60 21 43
Horaires d’ouverture :  du 08.30 au 17.30
Prix du billet : 5D.

Plan de situation:

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