Elyes Fakhfakh : « Il y a consensus sur les problèmes et quasi consensus sur les solutions »

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Mille-et-une-Tunisie.com : Remet-on en question la place du tourisme tunisien?

Elyes Fakhfeakh : En aucun cas. Donnez-moi un exemple qui vous le fait dire que ce soit au niveau du discours ou de l’action.

Entre un eductour religieux qui n’a même pas demandé d’autorisation à l’ONTT et des déclarations relatives à des hôtels « hallal », vous n’avez que l’embarras du choix. Cela perturbe l’opinion nationale et internationale quand en plein cœur de Hammamet vous trouvez des tentes gigantesques du « Hezb Tahrir ». Que vous faut-il de plus ?

C’est le gouvernement ou les opérateurs touristiques qui portent la voix du tourisme. Un des deux a-t-il seulement parlé de cela ?

Par contre la diversification est une nécessité. 80% de notre tourisme est lié au balnéaire dont 50% viennent de nos voisins et les autres 50% viennent de 4 pays européens. On doit diversifier. Celui qui dirait le contraire n’a rien compris ni au tourisme ni au business.

Par rapport à qu’on appelle vaguement le tourisme religieux. Et alors ? Ce sont des initiatives privées à encourager. J’ai demandé des explications par rapport à cet éductour et en fait ce sont des circuits qui ressemblent aux autres. Ils mettent en avant des monuments de 14 siècles. Voila tout !

Il n’est dans l’intérêt de personne de mélanger les choses et de cultiver les amalgames. Toutes les semaines, je fais une rencontre avec la presse internationale et j’essaye de leur expliquer les choses. Il faut beaucoup de pédagogie, car sous la bannière islamiste on met tout et n’importe quoi. Il s’agit de dire que notre islam est réformiste et modérée dans un état civil. Il n’a rien à voir avec l’extrémisme.

Les déclarations de Rached Ghannouchi par rapport à l’interdiction de l’alcool et à la mixité ?

Il ne représente que son parti. Rached Ghannouchi est libre de ses déclarations et il n’est pas au gouvernement que je sache.

Ces déclarations ne sont pourtant pas sans impact.

Je suis quelqu’un de concret. Un mois après mon arrivée à la fonction de ministre, j’ai tenu à amener tout le monde du tourisme (opérateurs internationaux et locaux) pour donner la directive du gouvernement. Tous les gens impliqués ont été invités pour prendre acte d’un engagement.

Maintenant, mon métier n’est pas d’interdire des clients ou des produits. Les clients d’où qu’ils viennent sont les bienvenus. Que ce soit le client des pays d’Europe, de Chine, de Russie, du Qatar ou de la Turquie. Le pays est assez grand pour recevoir tout le monde.

Mais avez-vous des produits pour attaquer ces nouveaux marchés ? Avez-vous les moyens au niveau produits et ressources humaines pour voir aussi large ? Que faites vous de la conjoncture internationale ? Pensez vous qu’on relance le tourisme avec des allocutions et un discours d’un chef de gouvernement qui n’a pu répondre à une journaliste de France 24 à Davos ?

Il faut séparer deux choses, le structurel du conjoncturel.

Malgré les 50 ans de tourisme et le potentiel du pays, nous avons certainement raté des virages. Je viens du domaine de l’automobile qui passe par des moments de crise. Par expérience, je sais qu’il faut remettre de l’oxygène dans le secteur. Concrètement, nous devons revenir à 7 millions de touristes que nous faisions bien avec ce produit. Pour cela, nous devons rassurer. D’autre part, nous devons profiter de ce coup de Com et de toute la sympathie du monde envers notre pays.

Mais cette sympathie a eu le temps de s’éroder…

Peut-être. Je ne regarde pas en arrière. Faisons maintenant ce qu’il faut pour en profiter. Je ne doute ni de la Tunisie ni des Tunisiens. Ce peuple a épaté le monde et quand je compare avec ce qui se passe en Lybie, en Egypte ou en Syrie j’ai confiance. Les gens de toutes tendances s’expriment en toute liberté et cela est un grand acquis. Nous passons par un moment difficile certes mais cela est le fruit de la pauvreté et de la vulnérabilité. Il faut faire respecter la loi et les règles pour remettre la pays en marche.

Et question tourisme ?

Nous devons soulager la pression. La stratégie existe, tout le monde connait les réformes et tous ceux qui touchent de près ou de loin au tourisme savent ce qu’il faut faire. Nous allons nous y atteler. Maintenant, nous parons au plus urgent qui est remettre le secteur en piste. Tous les experts confirment que pendant la crise la communication n’est pas mesurable. Par contre en sortie de crise, il faut communiquer et bien.

D’autre part, il y a un consensus sur les problèmes et un quasi consensus sur les solutions. Il s’agit de mettre de l’ordre. Tout le gouvernement est disposé à prendre les dispositions nécessaires pour résoudre les problèmes du secteur comme les connexions aériennes ou l’endettement du secteur. Nous y travaillons en capitalisant sur ce qui a été fait l’année dernière.

Il s’agit aussi avec cette légitimité du gouvernement et main dans la main avec les professionnels de commencer les réformes et de ne pas s’en tenir aux affaires courantes. Des balises pour le travail du prochain gouvernement.

Les professionnels attendent des décisions concrètes comme les facilitations pour les projets para touristiques, la suppression de la taxe sur l’alcool ou encore la levée des restrictions sur le tourisme résidentiel. Ils n’attendent pas forcement d’un ministre qu’il fasse des Salons pour aller chercher des clients. Ils s’attendent à ce que la nouvelle gouvernance fasse ce qu’il faut pour redonner son aura au secteur et à leur minsitère. Ils s’attendent à ce que la thalassothérapie y reprenne place ou à ce que l’on interdise des produits de contrefaçons dans les boutiques des hôtels au profit d’une vraie valorisation de l’artisanat. Comment voyez-vous votre mission ?

Aller « vendre » la Tunisie à l’étranger en faisant les Salons est une nécessité. Les gens ont besoin de faire connaissance avec le gouvernement. Le politique, par le biais de son ministre doit parler de la nouvelle politique de la Tunisie et de son impact sur le tourisme.
Quand je vais en Espagne, nous essayons de mettre en place des accords de coopération sur la mise à niveau. En France, j’insiste sur le tourisme intérieur et rural, ce pays étant la référence en la matière. Nous avons mis un plan d’action pour soutenir le tourisme alternatif et allons sortir d’ici peu un cadre juridique  avec une référentiel qualité et un vrai programme d’incitations.

Il ne faut pas oublier que le tourisme est entaché par l’endettement. Les banquiers ont dans la tête de ne pas investir dans ce secteur. Le gouvernement travaille avec un groupe de réflexion afin de trouver des solutions concrètes et lever ce genre d’a priori. Nous allons bientôt statuer sur le sujet et prendre de vraies décisions.

Durant mes rencontres, la Turquie a été pour moi une énorme surprise. Ce n’est pas un ministre qui est venu, c’est un homme d’affaire. En dix ans, la destination turque est passée de 10 à 30 millions de touristes avec 80 fois plus de chiffre d’affaires que nous. Ils veulent faire des « deals » avec nous. C’est un retour d’ascenseur car dans les années 80 ils se sont inspirés de la Tunisie. A nous de nous inspirer de leur modèle de réussite.

Cela au niveau extérieur mais comment se porte la maison Tourisme en interne ? Où en sont les réformes au sein de l’administration, au niveau de la restructuration de l’ONTT ?

Nous allons refaire un éclairage sur l’étude de Roland Berger avec la mise en place d’une feuille de route qui sera prête à la fin février 2012. Après avoir consulté les fédérations, les directions du ministère, les opérateurs, j’ai une vision claire qui a été prise en compte dans la mise à jour de cette étude qui présente une batterie de mesures. Nous n’allons pas avoir le temps de tout faire mais nous allons amorcer les réformes et les changements nécessaires au niveau marketing, produits, ouverture du ciel, web…

Propos recueillis par Amel Djait (Entretien à suivre…)

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